Sortie du mardi 1 avril 2025
El Papaton, Captain No, Poly
Conditions nivologiques, accès & météo
Météo/températures : du 1er avril au 3 avril : de saison / du 4 au 5 très chaud iso 0 à 3000m
Conditions d'accès/altitude du parking : déneigé
Altitude de chaussage/déchaussage : 1710 mètres
Conditions pour le ski : de très bonne à excellente à condition de choisir les bonnes orientations et les bons horaires
Conditions nivo et activité avalancheuse : 3 avril, deux coulées observées en direct peu avant le col de Névache
Activité avalancheuse signalée dans la zone ce jour, voir la carte.
Skiabilité : 😄 Excellente
Compte rendu (par El Papaton)
J1 Pont de l’Alpe / col du Chardonnet / crête de la Casse Blanche / Chalets de Queyrellin / Refuge Ricou
Un premier jour de rêve
Mardi 1er avril, nous y sommes et ce n’est pas un poisson ! Départ du Pont de l’Alpe pour 5 jours de raid dans les Cerces. Nous débutons sous un ciel anticyclonique sans vent. Les températures restent agréables dans l’ensemble pendant toute la journée mais les combes S abritées sont très chaudes.
Arrivés au col du Chardonnet par le versant E, nous basculons dans le versant W et remontons le vallon S sous la crête du Queyrellin. Dans ce vallon, nous croisons trois jeunes toulousains que nous retrouverons le soir au refuge. La montée au col de la crête de la Casse Blanche est éprouvante en raison d’une chaleur ambiante élevée.
Au col de la Casse Blanche, la pente SE face à nous, nous attire et nous remontons la crête NE en crampons jusqu’au point 2914. De là, après une légère redescente et petite traversée toujours à pied, les premiers virages du raid nous attendent. Il est environ 12h00. La neige est un peu épaisse mais souple. Dans la première partie, Il faut tout de même rester dans une orientation SW afin d’avoir les meilleures conditions, sous peine d’alterner entre la neige croûtée ou la neige dure trafolée. A partir de 2500 m, nous rencontrons une moquette épaisse jusqu’au niveau des chalets de Queyrellin. Cette descente de près de 1000 m est l’une des meilleures du raid. Nous traversons la Clarée et le ciel commence à se charger de nuages. L’arrivée au refuge se fait sous un ciel bien sombre.
L’accueil au refuge est excellent et nous partageons un repas copieux avec le groupe de toulousains. Nous vous recommandons la bière ambrée brassée à Névache !
Aucune activité avalancheuse observée.
D+ 1732 m
J2 Refuge Ricou / col du Grand Cros / col du Vallon / Refuge Ré Magi
Traversée dans la tempête et exercice carto grandeur nature
Le bulletin météo est mauvais et décidons de rejoindre le refuge Re Magi en empruntant l’itinéraire le plus court par le col du Grand Cros et abandonnons notre projet de passer par les sommets alentours. Nous décalons le départ de 2 heures et quittons le refuge sous un ciel bien chargé mais avec quelques trouées bleues éphémères et encourageantes pour la suite. Faux espoirs, le temps se dégrade et sur le replat des Gardioles, nous sommes pris dans une tempête de neige et sans visibilité. Nous croisons le groupe de toulousains, partis avant nous et qui rejoint le refuge de Drayères.
Nous trouvons le col dans des conditions devenues vraiment difficiles : épais brouillard, neige et vent violent. Nous ne sommes pas trop de trois pour s’orienter. En dépotant, nous avons peine à nous tenir debout. La descente au point 2580 se fait dans le blanc le plus complet à tel point que nous avions du mal à distinguer le sens de la pente.
Nous retrouvons une visibilité correcte au col du Vallon. Avec 10 à 15 cm de neige fraîche tombée les heures précédentes, la descente du col est excellente et les virages s’enchaînent facilement jusqu’au point 2218. Sous l’ancienne mine des Blanchets, nous trouvons des goulets étroits forts agréables.
L’arrivée au refuge Ré Magi est salvatrice, la journée ayant été éprouvante nerveusement.
Le repas est excellent et bien réconfortant : spritz en apéro offert par la gardienne, anti-pastis, saucisse polenta, fromage et panacotta caramel. Après ce repas et une météo en très nette amélioration, le moral est au beau fixe.
Aucune activité avalancheuse observée. De toute façon, nous n’avions aucune visibilité.
D+ 1034 m
J3 Refuge Ré Magi / col des Séru / point 2719 sous le col des Méandes / col de Peyron / col du Thabor en a/r / passage du Pic du Thabor / col de Névache / Refuge des Drayères
C’est long mais qu’est-ce que c’est beau ! Un grand voyage, sauvage et seuls au monde.
L’objectif du jour est le mont Thabor et nous décidons de sortir au sommet par le couloir N plutôt que l’itinéraire classique.
Nous commençons la journée dans l’originalité en passant par le col des Séru au lieu du fond du vallon de la Tavernette, passons par le point 2550, puis sur le replat des Chances de Peyron en surplombant la falaise. Au point 2719, nous dépotons en descendons dans la grande ouverture NE. La neige est poudreuse et nous faisons la trace. Après cette très belle descente, nous prenons pied dans le vallon du Peyron. La montée au col éponyme dans le versant SE est épuisante. La neige est lourde sur le bas et dure sur le haut. La chaleur est accablante. Le rythme se résume à une conversion, une gorgée d’eau ! Le spectacle au col est magnifique et nous sommes récompensés.
Petit à petit, nous pénétrons dans le cirque de la face N du Thabor. Quelle ambiance saisissante ! Le couloir ne se laisse découvrir qu’au dernier moment sur la gauche. Il ne paraît pas très long, un bloc de rocher encombre le milieu et il se redresse sérieusement sur sa fin. (Nous apprendrons plus tard qu’un relais a été installé sur le bloc). Nous nous voyons déjà déboucher au Thabor par ce versant N triomphants. Encore quelques conversions et nous mettons les crampons. Nous déchantons très vite. Avec les chutes de neige de la veille, le couloir s’est rempli abondamment. La progression est quasi impossible et le danger est présent. Nous renonçons la mort dans l’âme. Nous prenons alors le chemin du col du Thabor par la pente SE, plus sécurisante, dans le secret espoir de trouver un passage à pied pour rejoindre le sommet. Au col, deuxième déconvenue. Les accès par le SW ou le SE sont trop longs ou trop dangereux. Il est déjà tard dans l’après-midi et nous abandonnons le sommet. Une course contre la montre s’engage alors.
La descente du col est magique avec la fuyante du départ et la poudreuse où les virages s’enchaînent. Repotage et tour du Pic du Thabor. Après le Passage du Pic du Thabor, traversée sous la Roche du Chardonnet et tergiversations avant le col de Névache : on coupe par les crêtes ou on pousse au col ? Après deux coulées parties au-dessus de nous, il est tout de même près de 18h00, et évitées, nous poussons jusqu’au col où la pente est plus faible. Descente sur les Drayères qui s’avère plus longue que prévue en raison des nombreux faux plats. Nous poussons la porte du refuge à 19h15 après 10h45 passées dans la montagne. La gardienne, inquiète par notre retard, nous accueille fort sympathiquement. Nous la remercions pour les attentions qu’elle a eues pour nous par la suite.
Deux coulées observées dans les pentes avant d’arriver au col de Névache qui se sont arrêtées à notre niveau, aux environs de 18h00. Fort heureusement, nous avions pris de la distance entre nous
D+ 1858m
J4 Refuge des Drayères / col sans nom sous la pointe des Blanchets / Pointes des Cerces / les Sagnes Froides / Refuge de Laval
« Je vaux ce que je veux »
Avant le départ, nous hésitions à faire le tour par le lac Rond au N ou traverser la crête de Rochers Marrions sous la pointe des Blanchets. Avec une prévision d’un très net réchauffement des températures et un isotherme 0 annoncé à 3000 m, le choix est évident, il faut aller au plus rapide.
Départ très tôt le matin, nous sommes vers les 9h00 sous le col et il fait déjà très chaud dans ce versant SE. La montée par le couloir de droite est harassante en raison de la chaleur. Au sommet, la vue est à 180° sur les sommets des Ecrins qui se dévoilent devant nous.
La descente W se fait sur une pente raide et une neige glacée, au-dessus de petits couloirs tapissés de rochers. Elle est bien expo et la montée d’adrénaline est palpable.
Nous prenons pied sur le névé des Cerces en suivant une trace récente. Vers 2850, elle s’interrompt. Nous comprenons pourquoi : la pente se resserre, se raidit et la surcharge neigeuse est visible. Nous chaussons les crabes et passons sur la droite par des rochers. Nous remettons les skis vers 2900 m et poursuivons sans encombre jusqu’au sommet. Quelle joie de se trouver sur cette pointe emblématique qui ne se laisse pas facilement gagnée. Chacun veut sa photo avec la croix et la citation bien connue de Paul Valery « Je vaux ce que je veux » Nous sommes rejoints par un jeune guide et son client monté par le versant W.
Il est 11h30, nous entamons la descente dans la pente plein S à l’aplomb des Rochers de la Moulinière jusqu’au lac sorcier. Nous avons de la neige de printemps. Si elle reste très correcte et très agréable, elle commence à s’alourdir. Le timing est bon. Au lac, nous prenons plein W et suivons le ruisseau des Sagnes Froides. Nous atteignons le refuge de Laval à 13h00, après avoir traversé le plat dans une neige bien ramollie.
Repas sur la terrasse plein S accompagné d’une bière bien rafraîchissante. Après-midi détente et repos bienvenu après la journée de la veille bien remplie.
Aucune activité avalancheuse observée.
D+ 1090 m
J5 refuge Laval / col des Béraudes / Pic de la Moulinière (enfin presque !) / refuge du clôt des vaches / Pont de l’Alpe
Peut être la meilleure descente du raid
L’isotherme 0 se maintient à 3000m et nous avançons encore l’heure du départ. Direction le col des Béraudes avec un crochet par le lac Rouge ! Avant d’arriver au col, nous avons pu voir que la corniche au sommet du couloir SE menant au Pic de la Moulinière est encore bien présente. La descente du col, où il fait très frais, se fait par un passage étroit et glacé de la largeur des skis. Passé le col, la température est déjà très élevée et la neige est bien humide et en train de s’alourdir. Nous entamons la montée par la droite du couloir puis atteignons l’épaule à 2903. Nous sommes à 170 m du sommet. Le couloir se raidit, la neige lourde glisse sous nos peaux. Nous tentons de continuer à pied. Mais nous nous enfonçons trop pour tenir un horaire raisonnable avant que la pente ne devienne trop instable.
La descente se réalise sur une belle neige de printemps alternant avec de la moquette. Nous faisons une halte au refuge du clôt des Vaches tout neuf et qui a ouvert cette saison. Pause tarte aux myrtilles sur la terrasse bien ensoleillée. Nous regagnons la voiture à 12h00 au Pont de l’Alpe.
Aucune activité avalancheuse observée.
D+ 1138 m
L’émotion est forte. Le projet de raid date de trois ans et a connu de nombreuses vicissitudes. Le massif des Cerces est somptueux et se prête merveilleusement bien au raid en étapes. L’entente pendant ces cinq jours a été sans faille et nous avons fait honneur à la maxime de Jonny Wilkinson « Rien n’est plus beau que l’esprit d’équipe »